The Devil Walks with Us / 2015 - 2019

NOW Exposition “Le diable marche avec nous” 10 juin — 29 juillet 2022 Galerie VU’ Paris
Catalogue édité à 25 exemplaires signés et numérotés avec une héliogravure.


       
A l’automne 2015 nous sommes partis dans les Vosges accompagner notre amie Elodie à Solbach. Elle enterrait Roger B. son père. De ce père, nous ne savions que peu de choses. Il était enté à l’hôpitalde Strasbourg pour y subir des examens… Il n’en était jamais ressorti. Il avait 82 ans. il n’avait pas élevé notre amie, mais ils se voyaient régulièrement depuis une vingtaine d’années. Peu à peu les liens s’étaient tissés. Il vivait avec Anne, fille d’un affichiste français célèbre en son temps, Anne était atteinte de démence sénile depuis plusieurs années, elle était peintre et avait été autrefois une passionaria durant la guerre d’Algérie.
        Ensemble, ils vivaient l’hiver à St Germain en Laye et l’été à Solbach.

Roger était des Vosges, enfant il avait été enrôlé, comme tant d’autres, dans les jeunesse Hitlériennes. Les possibilités d’ascension sociales n’étaient pas nombreuses à cette époque et dans cette région… Fièrement, il avait fait Saint-Cyr et se destinait à incarner l’élite militaire de la France. La guerre d’Algérie fait rage et logiquement il s’engage sous les drapeaux afin de combattre le FLN. A la signature de l’indépendance il ne supporte pas le choix de de Gaulle et, se sentant lâché par le gouvernement, il entre en résistance et participe alors au Putsch des généraux, une tentative ratée de coup d’état militaire. Vient alors la disgrâce et le déshonneur, la prison et la dépression. Sorti de prison, en disgrâce avec l’armée française, il s’engage dans la Légion Etrangère, chez les parachutistes et se retrouve sur divers théâtre d’opérations militaires aux quatre coins du globe.
       
        Ce jour là, au temple protestant de Solbach, quelques camarades légionnaires sont présents. Survivants d’une époque révolue, en uniforme, ils portent sur leurs vieilles épaules le fragile cercueil de leur frère d’arme et entonnent solennellement le Chant du Diable, étrange et envoutant. Parmi les quelques personnes présentes, il y a cet homme, la soixantaine, qui ressemble curieusement au fils d’Elodie. C’est son frère. Elodie en connait depuis longtemps l’existence mais c’est là, devant le cercueil de leur père qu’elle fait sa connaissance. Il y a aussi ce jeune pasteur américain qui semble bien connaitre Roger à la façon émue dont il parle de lui. Quelques personnes du village sont venues rendre un dernier hommage à Roger, et puis il y a Aline et moi, pièces rapportées venues soutenir notre amie.

Et là, attenante au temple, dans ce minuscule village d’un autre temps : la maison. Plantée au numéro 35 de la rue principale, au milieu d’un jardin négligé, une fontaine à ses pieds. La porte est ouverte, un chat se lèche les pattes sur le sol de la cuisine. Ici, le temps s’est arrêté : lit défaits, vaisselle dans l’évier, livres ouverts et correspondance inachevée, fleurs séchées. La maison semble vouloir nous raconter. Nous poussons la porte et pas à pas nous marchons alors sur les brumes du passé.

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